Des solutions pour mieux vivre, c’est aussi de se soucier du dérèglement du climat qui a des conséquences graves sur notre santé, la transhumance, nos vies, et à l’évidence, sur notre travail.
Travailler dans la tourmente
Des études scientifiques par milliers, des rapports accablants en font foi. Il y a péril en la demeure-terre. Les dérèglements climatiques s’accélèrent. Et la qualité de nos vies de travailleurs s’en ressent déjà.
Parmi celles-ci, citons l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), en France, qui classe ainsi trois «familles» de problèmes rencontrés.
«Les modifications climatiques qui influent sur les risques professionnels ont été classées en trois types: la hausse des températures, l’évolution de l’environnement biologique et chimique et la modification de la fréquence et de l’intensité de certains aléas climatiques.
- Les conséquences de l’exposition à la chaleur portent sur la pénibilité du travail. Elle peut entraîner malaises, déshydratation, coups de chaleur, etc., mais aussi des risques psychosociaux liés aux situations de tension, des risques d’accident (altération de la vigilance), ainsi que chimiques (inhalation de substances volatiles).
- De plus, le changement global va modifier les zones de répartition de vecteurs de maladies infectieuses (moustiques, tiques, entre autres) ou favoriser l’installation de nouveaux vecteurs, faisant ainsi évoluer les risques liés aux agents biologiques, notamment pour les personnes travaillant en milieu naturel ou en contact avec des personnes et des animaux.
- Par ailleurs, l’augmentation de fréquence des phénomènes climatiques extrêmes (inondations, submersion, sécheresse entraînant des feux de forêt…) peut conduire à des risques accidentels liés à la fatigue des personnes exerçant des activités de secours à la personne.»
La baisse de productivité au travail
Parallèlement, des chercheurs de l’Université Concordia à Montréal ont évalué l’effet du climat —en particulier de la chaleur— sur la productivité au travail. Le manque d’ombre, d’eau, la chaleur accablante et le temps d’exposition des travailleurs touchent de plein fouet les secteurs de l’agriculture, des industries extractives ou les métiers de la construction.
Les pays à faible revenu sont les plus touchés puisqu’on y trouve moins de moyens de se protéger: construction de zones d’ombre, structures permettant le renouvellement de l’air, accès à l’eau potable… mais ça ne doit pas occulter le fait que le phénomène touche aussi les travailleurs des pays bien nantis.
Au Nord, il fait de plus en plus chaud dans nos villes bétonnées et la climatisation des édifices toujours plus nécessaire représente un facteur aggravant du réchauffement climatique.
Et, faut-il le rappeler, ce changement climatique affecte aussi les campagnes, qu’on pense aux vignobles de Bourgogne durement touchés ou aux terres brûlées de la Californie.
Éveillons-nous et réfléchissons à notre avenir comme travailleur. Voici quelques exemples parmi des millions. Des milliards?
L’exemple récent des feux de forêt en Californie
Les récents feux de forêt en Californie — mais aussi dans les états de l’Oregon, de l’Idaho et de Washington— ont mis des semaines à être maîtrisés tant les sols désséchés ainsi que les forêts, après des années de réchauffement climatique, étaient propices à s’enflammer. CalFire rapportait que 1,7 million d’hectares avaient brûlé en 2020.
Comme l’état génère 30% de la culture de fruits et légumes aux États-Unis, on comprend aisément l’impact sur le coût de nos aliments, jusqu’au Québec. La nouvelle économique se répand toujours très vite et, notre pouvoir d’achat n’étant pas illimité, cela nous affecte.
Et les personnes? Qu’en est-il des travailleurs qui devaient cultiver ou ramasser des poivrons ou des oranges dans la fumée asphyxiante, perceptible à des kilomètres à la ronde? Des centaines de milliers de personnes, dont des travailleurs de toutes sortes, qui ont été déplacés? Des gens de la région de San Francisco qui ont dû composer avec une teneur très forte de polluants et des ciels rouges opaques?
Ce courant-jet (jet-stream) de fumée se dirigeant d’ouest en est, on l’a vu passer à 10-12 kilomètres au-dessus de nos têtes à Montréal. Même s’il ne nous a pas affectés d’un point de vue respiratoire, il a assombri notre bout ciel pendant plusieurs jours malgré les 5000 kilomètres qui nous séparaient.
Notre terre tourne et la pollution avec elle.
L’irrespirable pétrole au Nigeria
Un exemple très cru sur l’air qui tue à cause de l’exploitation du pétrole nous vient du Nigéria. On s’en doute, du pétrole, on en trouve ailleurs, mais le cas des Ogoni est bien documenté depuis des décennies étant donné le très grand nombre de puits actifs ou à l’abandon, l’extrême chaleur et sécheresse du pays, des innombrables débordements dans le fleuve Niger, de l’eau des puits empoisonnée par les métaux lourds, de la pollution de l’air qui est telle qu’elle provoque des pluies acides… sans parler des milliers de marées noires dans le Delta du Niger qui se sont déversées dans l’Atlantique.
L’espérance de vie des 1 500 000 habitants du delta est de 45 ans. On meurt prématurément de tout : cancers, troubles cardio-vasculaires, respiratoires, neurologiques. Un enfant sur deux en est malade.
Alors, imaginez y travailler…
Les sables bitumineux au Canada
Au Canada, nous ne sommes pas en reste. Nous aussi avons notre part à faire pour assainir le climat. L’exploitation des sables bitumineux est 30 fois plus polluante que celle des terrains pétrolifères habituels. Pour l’Alberta principalement, province dont la richesse et le développement se sont tout entier articulés autour de leur exploitation, c’est un effort titanesque de reconversion du travail qui sera demandé un jour à sa population… au fur et à mesure de développements de solutions plus respectueuses de l’environnement et des humains.
Des reconversions vers des métiers liés au nettoyage de près de 150 000 puits de pétrole et de gaz orphelins et inactifs font partie des solutions professionnelles encouragées depuis peu par les programmes de financement du gouvernement canadien.
Partout, d’autres métiers se développent déjà. Des métiers meurent, d’autres naissent. Certains, évoluent.
En fait, un article du Devoir annonçait peu avant la crise sanitaire de la Covid-19 que le déclin de la nature mettra en péril cinq milliards d’êtres humains d’ici 30 ans. Cinq milliards de personnes qui seront en quête d’eau et de sécurité — alimentaire, physique et sociale. Qui ne travailleront pas. Ou peu.
Nous sommes un peu moins de huit milliards de personnes actuellement. Si la tendance se maintient nous serons près de 10 milliards en 2050.
Un impact sur le travail, disions-nous?
Quand la littérature s’en mêle
Je viens de terminer un roman policier sociologique —eh oui, ça existe— de Olivier Norek : Impact. Vous connaissez? Norek a été travailleur en humanitaire avant de devenir capitaine de la police judiciaire pendant dix-huit ans. D’où le double genre… ou le double trait de caractère.
Dans ce suspense très bien documenté, on voyage autour du monde, et l’étau se resserre autour d’intouchables, des industriels, grands pollueurs impénitents de notre temps.
La mise en lumière des millions de victimes passées et des millions à venir est brutale. On n’imagine pas. Ou pas si bien.
Dans cette période pas comme les autres, plus propice que jamais à la réflexion, je vous encourage à y plonger. Vous lirez de toute façon un très bon policier. Et peut-être y trouverez-vous des éléments pour mieux faire votre bilan de l’année et vous engager dans celle qui vient.
Contribuerez-vous par votre travail à éteindre ou à allumer des feux? Qui voulez-vous devenir cette année?
À très bientôt,
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C’est la première fois que je lis un article qui traite du réchauffement planétaire sous cet angle là… Axe d’analyse très intéressant qui malheureusement ne fait que conforter mes inquiétudes personnelles. Il est clair que tous les métiers ne seront pas impactés de la même manière et que la chaleur aura des conséquences sur nos vies professionnelles de demain. Merci encore pour cet article
Merci, Nicolas, pour ce commentaire senti. Cet angle semble intéresser peu de chercheurs actuellement. Il est pourtant critique. Je vais chercher à revenir avec des données précises… et des pistes de solutions.
Article très intéressant ! Le dérèglement climatique : un juste retour de bâton. L’homme en est la cause et nous en payons les conséquences au travail et dans la vie de tous les jours !!! Vaste sujet ! Merci pour cette analyse 👍. Bonne journée. Nathalie
Merci, Nathalie! Je pressens que je n’ai soulevé qu’un petit coin du tapis… Je m’engage à fouiller plus loin…