Dans un contexte urbain d’une grande densité, où la végétation est très limitée, la forêt revêt un caractère tout à fait particulier pour le citadin en quête de loisirs et d’expériences variées.
Ce n’est un secret pour personne, je suis une papivore, une lectrice assidue et une amoureuse du papier. Cette noble matière recyclable vient d’une ressource naturelle, renouvelable : la forêt. Nous avons beaucoup de chance au Canada : notre forêt recouvre 45% du territoire. Ces textes nous rappellent que la forêt a besoin de nous et que nous avons besoin d’elle.
Il était une fois la forêt, ce fut d’abord un beau livre que j’ai écrit pour célébrer les arbres et l’incroyable richesse qu’ils représentent pour les humains et la biodiversité. Pour ce faire, j’ai interviewé 12 conteurs, chacun expert dans son domaine. Laissez-les vous parler de la forêt avec amour et respect, comme si vous aviez la chance de les écouter autour du feu…
Aujourd’hui, écoutons la professeure en aménagement, loisirs et développement durable Sylvie Miaux nous parler des loisirs en forêt…
La forêt des loisirs
Hormis les chasseurs, les aventuriers et les amateurs de sensations fortes, prêts à partir en forêt avec une boussole, une carte topographique et l’équipement nécessaire pour ne pas se perdre et être en autonomie complète, très peu de gens pourraient accéder à la forêt si elle n’était pas aménagée.
Au Canada, la forêt représente 45 % du territoire. Les parcs nationaux, créés pour préserver cette nature tout en étant des lieux de loisirs importants, comptent pour 2,2% de la superficie du pays. S’y ajoutent les parcs provinciaux –par exemple, ceux de la SEPAQ au Québec– et les forêts privées où l’on peut aller faire de la randonnée l’été ou du ski de fond l’hiver.
Si 70% de la forêt est publique, il faut savoir qu’une grande partie n’en est pas immédiatement accessible. Or, quand on parle de loisirs –à la différence du tourisme–, la proximité est un facteur important. C’est ainsi qu’autour des bassins de population les plus importants, comme Toronto ou Montréal, on a aménagé des parcs. Certaines villes créent en outre des forêts urbaines, comme c’est le cas à Regina, y voyant un élément crucial sur le plan des loisirs, qu’il s’agisse d’activités sportives ou de plein air, de promenade, d’observation ou de retour vers la nature. Ce faisant, on mise aussi sur le bien-être psychologique que procure cet environnement.
Dans un contexte urbain d’une grande densité, où la végétation est très limitée, la forêt revêt un caractère tout à fait particulier pour le citadin. Le parc de la Gatineau, par exemple, prend naissance dans la ville… La nature y est très présente, et on peut même y voir des ours et d’autres bêtes sauvages, ce qui est étonnant à proximité immédiate du milieu urbain.
La forêt aménagée
On met vraiment beaucoup de soin à aménager ces espaces à double vocation de loisirs et de préservation, pour faire en sorte qu’ils soient accessibles à tous tout en minimisant l’empreinte laissée sur l’environnement. Même les sentiers relativement courts présentent un intérêt, ne serait-ce que panoramique. On se trouve dans la forêt, mais on veut aussi avoir une vision plus large de cette forêt, une sensation d’ouverture. La personne qui a envie de marcher toute la journée et qui a la capacité de le faire parcourra, quant à elle, une variété de paysages. Les tracés ont été pensés en conséquence. Et c’est vrai pour toutes les saisons, a fortiori l’hiver. Quand on fait du ski de fond ou de la raquette, il importe qu’on ait tout prévu. La question de la sécurité est primordiale. Il faut donc s’assurer que les gens ne se perdent pas, et veiller à ce qu’ils vivent leur expérience en forêt dans une certaine tranquillité d’esprit, sans constamment devoir être sur leurs gardes.
La signalisation elle-même requiert une planification subtile et équilibrée. Tout doit bien sûr être clairement balisé et indiqué… mais pas trop, non plus. Après tout, on est dans la nature! Et il ne s’agit pas d’inquiéter inutilement les moins aguerris.
Si un grand soin est apporté à la signalisation, il en va de même de l’éducation, pour amener les gens à rester sur les sentiers et à comprendre qu’on leur demande de ne pas en sortir par souci de préserver une nature fragile. À ce chapitre, on propose d’ailleurs beaucoup d’activités visant à mieux faire connaître la nature, la diversité des arbres et des plantes, des oiseaux et des animaux. Car, mieux on connaît la forêt et plus on apprend à l’aimer, plus on est à même de la respecter et de la protéger.
Une panoplie d’activités
Au Québec, près d’un citoyen sur deux pratique au moins une activité en lien avec la forêt, ou la nature au sens large. Au Yukon, c’est pour ainsi dire toute la population! Le nombre d’infrastructures augmente partout: sentiers de randonnée, de raquettes ou équestres, pistes de ski de fond… Cette volonté de développement et d’aménagement pour les loisirs en forêt fait écho à une pratique croissante. À titre d’exemple, la Fédération québécoise de la marche a enregistré entre 2002 et 2007 une augmentation de plus de 30% du nombre de kilomètres de sentiers, et une hausse de 47% du nombre de membres entre 2001 et 2005.
Les gens ont non seulement des capacités différentes, mais aussi des désirs variés: courir, faire du vélo, marcher dans un espace calme, où l’on peut apprécier le chant des oiseaux sans entendre le bruit d’un moteur… Le rythme et l’intensité varient selon ce qu’on recherche. On peut ainsi être en forêt en famille, entre amis ou seul, et aussi bien s’y livrer à une activité sportive qu’à la contemplation. L’éventail des possibilités est pour ainsi dire illimité.
Les amateurs de sensations fortes qui font du vélo de montagne en terrain accidenté ou qui dévalent en kayak des rivières déchaînées côtoient ainsi des gens en ballade, détendus, à leur rythme, l’appareil photo à la main ou un cahier de croquis sous le bras, attentifs aux belles couleurs de l’automne ou à la vie de certains animaux… C’est l’accessibilité. La personne qui n’a pas d’équipement particulier peut simplement aller marcher et se faire plaisir au même titre que le sportif accompli en quête de nouvelles aventures. Chacun peut trouver sa part de bonheur dans la forêt.
Des expériences variées
En fait, on ne vit pas qu’une expérience de plein air en forêt, on en vit toute une gamme. Et nos expériences varient suivant ce qu’on recherche.
L’expérience sensorielle, par exemple, est très différente de ce qu’on connaît comme citadin. Quand on est en forêt, on ne contrôle pas l’espace. On croise peu ou pas de gens. On doit faire beaucoup plus attention à ce qui se passe autour de soi. On ne parle pas fort, surtout si on veut voir et observer des animaux. Il en résulte une façon d’être différente qui nous rend plus sensibles aux odeurs et aux bruits. Les gens qui vont en promenade éprouvent donc des sensations auxquelles ils n’ont pu se préparer. D’autres, avides de liberté, poussent l’expérience jusqu’à frôler les arbres et chercher à faire corps avec la forêt.
À la pêche, à la chasse, l’observation et l’écoute sont au premier plan. On est à l’affût. On doit être très attentif au moindre bruit, à la moindre trace. On aiguise ses sens. Car la forêt permet également d’aiguiser ses sens. Quand on fait du kayak sur un lac, par exemple, et que surgit un huard, on vit un moment d’une très grande intensité. On part ensuite à sa recherche, car on brûle d’envie de le revoir. On est donc à l’affût, et on aiguise son regard; on fait attention au moindre bruit. On est alors bien loin du brouhaha assourdissant de la vie urbaine!
Détente, santé et félicité
La marche en forêt est une forme de loisir toute simple qui apporte énormément. Elle permet entre autres de se relaxer et de se recentrer. Elle favorise un retour à la nature, mais aussi un retour sur soi et à ses origines.
Il y a très longtemps, les philosophes marchaient pour réfléchir. De nombreux écrivains ont parlé de la marche en nature comme d’un moyen de laisser monter leurs pensées. Comme si, lorsque le corps se mettait en mouvement dans un espace propice, les pensées venaient spontanément, créant de doux moments d’inspiration où tout devient clair.
Plus encore, la marche naturelle, à un rythme raisonnable, est une activité qui favorise une bonne santé. On entend souvent dire que 30 minutes de marche par jour suffisent. Mais en pleine nature, on est amené à en faire plus, parce que le milieu est favorable et nous donne envie d’en faire plus.
Quand on marche en forêt, on ne se rend pas vraiment compte de la distance qu’on parcourt, ni du temps écoulé. Le rythme de marche lui-même diffère de celui d’une marche urbaine, où le bruit et la circulation nous incitent à marcher plus vite. La ville impose un rythme, alors qu’en forêt, le rythme peut être très lent ou plus rapide –on y a toute liberté. Pouvoir s’arrêter dans un endroit inspirant et repartir plus calme, ça permet aussi de poser ses idées.
Et que dire de la multiplicité des perspectives? Sur un lac, par exemple, on peut regarder la forêt depuis l’eau, admirer la diversité des essences et apprécier le reflet du ciel et de cette forêt dans l’eau. Il en résulte une dimension quelque peu magique. Quoi qu’il en soit, ça vaut vraiment la peine de varier les expériences de loisirs en forêt –tout à la fois vibrer au cœur de la forêt et faire corps avec elle, mais aussi prendre un peu de distance et l’apprécier depuis un kayak ou un canot, et atteindre un point d’observation livrant un panorama imprenable et saisissant. S’émerveiller et s’entendre dire : «On ne s’en lasse pas. Ce que ça peut être impressionnant!»
Cet article vous fait penser à quelqu’un? N’hésitez pas à lui faire suivre.
Dans le 7e épisode, nous profiterons de la forêt comme lieu d’inspiration artistique.
À tout bientôt,
Vous souhaitez (re)lire les premiers articles de cet ensemble? C’est ici!
Je suis impressionnée par les 2.2% que tu sites pour l’aménagement. La beauté du Canada se reflète tellement dans toute cette nature que tu décris. Et quelle accessibilité !
Un de nos objectifs en revenant au Québec est de partir découvrir les lacs et forêts en canot camping. Tout un programme que l’on s’est gardé pour pouvoir l’apprécier avec les enfants. En attendant, on découvre les forêts du Japon qui recouvrent aussi une très grande partie du pays.
Merci pour ce partage.
Bonjour, Véro, à l’autre bout du monde. Heureuse de nous savoir toutes deux amoureuses des forêts. 2,2%, ce ne sont que les parcs fédéraux. Il y en a davantage quand on additionne les parcs provinciaux. Beaucoup d’espace pour nos tous! N’était-ce pas la Journée des femmes au Japon hier? Comment ça se passe par là-bas? Tu devrais nous faire un blogue là-dessus 😉
Très bel article, tellement ressourçant une promenade en forêt! C’est bon pour la tête et le corps!!
Oh oui, Camille. Merci pour ton commentaire.
Bonsoir, je suis tout à fait d’accord avec vous lorsque vous parlez d’expérience sensorielle. Les balades et randonnées permettent de ressentir notre corps et nous réapproprier nos sens. La marche y est une véritable méditation à chaque pas. Merci 🙂
Merci, Guillaume pour ce partage. Oui, la forêt éveille…
Respect de la nature, des besoins de chacun, du rythme de chacun, tout en mettant en valeur la sécurité, cela donne envie de découvrir les forêts Canadiennes. On n’imagine pas du tout toutes les possibilités que l’on peut avoir.
Merci pour cet article qui donne envie de profiter encore plus du moment présent et de ce que la nature nous offre.